Introduction au haïku francophone
Le haïku francophone est un art poétique inspiré du modèle japonais.
Voici ci-dessous quelques règles pratiques, mais non-strictes, arbitrairement énumérées dans l'ordre de priorité tel que j'appréhende, et ce... dans une dimension non parfaitement définie (!) :
- Se composer d'une manière académique de 17 syllabes
— plus exactement, 17 mores — répartis en trois
segments impairs 5-7-5 à quelques exceptions de la
métrique avec l'apocope, l'élision,
la diérèse et la synérèse ;
- [ou bien] Se composer entre une douzaine et une vingtaine de syllabes
à disposition totalement libre tel le cas du senryû (contrairement au haïku, le senryû
est caractérisé par la subversion, l'implication
et l'engagement de l'auteur qui fait valoir son point de
vue) ;
- Comporter un mot de saison ou un ancrage saisonnier, ainsi
qu'une (seule et unique !) légère pause — de
pivot ou de césure syntaxique-sémantique
— séparant la composition en deux fragments distincts
;
- Eveiller l'attention et susciter la curiosité
avant de provoquer — moyennant la technique de l'enjambement
rejet/contre-rejet
— l'effet d'étincelle, i.e. l'instant d'émerveillement,
l'épiphanie 'profane', ou encore, le (fameux) moment aha !
- Retranscrire la spontanéité et
restituer le présent — ici et maintenant ; faire preuve
d'humour, d'observation et de détachement de soi
vis-à-vis de ses textes en s'abstenant de toute interprétation
personnelle ;
- Décrire des événements ou activités du quotidien à travers
la perception des cinq sens ; évoquer des choses simples
avec parcimonie dans une syntaxe sobre et élégante
de manière originale et autoporteuse ;
- Etablir une relation de juxtaposition, d'opposition ou
de renforcement entre les sujets ou les images ; soigner la présentation
de la scène comme l'est le principe de cadrage en photographie ;
- Privilégier certains jeux de mots ou figures de style,
notamment l'hypotypose, l'ellipse, l'anacoluthe,
le zeugma, le paradoxe et la parataxe ;
- Préférer les groupes de mots ou les phrases averbales aux
phrases complètes ; transgresser les règles de grammaires
et de syntaxes ;
- Limiter toute référence directe à soi-même
; faire des allusions, semer la confusion et pousser l'extrême,
voire à l'absurde ;
- Pouvoir se lire en une seule respiration et de préférence
à voix haute ;
- Eviter les rimes en raison du caractère minimaliste
et monostique du haïku ;
- [ou, au contraire] Accentuer les rimes croisées entre
les premier et dernier segments, i.e. les 5e–17e
syllabes, ainsi que les assonances ou allitérations à l'intérieur
du segment le plus long, par exemple, les 6/7e–12e
syllabes.
A titre d'illustration, considérons le plus
célèbre haïku japonais :
vieille mare —
une grenouille plonge
bruit de l'eau
Bashô
i. Aperçu structurel :
- En phonétique, fu/ru/i/ke ya | ka/wa/zu to/bi/ko/mu | mi/zu
no o/to : 5-7-5, soit 17 mores ;
- Kigo (mot de saison) : la grenouille, représente le kigo du printemps ;
- Kireji (mot de coupure) : ya [—] ;
- Kikyoo (moment aha !) : le bruit de l'eau.
ii. Scénario-type du haïku 'classique'
:
- vieille mare : situation, cadre, contexte ;
- une grenouille plonge : action, stimulus, événement ;
- bruit de l'eau : réaction, perception, sensation.
iii. Concepts 'canoniques' selon Bashô :
- Sabi-Wabi (patine-sobriété) : le vieil étang
;
- Fueki-Ryûkô (immuable-éphémère)
: le vieil étang vs. la plongée de la grenouille et le bruit de l'eau.
D'une manière minimaliste, un bon haïku
'contemporain' doit pour ma part disposer de ces trois critères essentiels :
- ±17 SYLLABES en 3 SEGMENTS 5-7-5
- PAUSE PIVOT ou CESURE + MOT DE SAISON ou ANCRAGE SAISONNIER
- AUTOPORTEUR et MOMENT AHA !