Rhin romantique, croisière en haïkus

Rhin romantique, croisière en haïkus, Unicité 2020

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À travers son dernier livre, Minh prouve une fois de plus ses talents de guide de voyage dans le meilleur sens du terme. Il fait découvrir à ses lecteurs la vallée romantique du Rhin à sa manière unique. Les compositions en haïku et les prises de vue pittoresques s’harmonisent à la perfection. Les formes brèves s’apparentent à une évolution contemporaine du romantisme rhénan classique. Leur brièveté n’est en rien synonyme de superficialité. Les poèmes sont courts mais intenses. En peu de mots, ils capturent l’instant fugace et suscitent des émotions.

La charmante Loreley qui unit luxure et danger :

chant de Lorelei —
d’une rive à l’autre
mes pensées chavirent

Le château de Pfalzgrafenstein, qui trône sur le Rhin, a défié pendant des siècles les crues sauvages tel un navire de pierre. C’est un moment privilégié où les grands cargos voguent devant la forteresse. Il en émane la fraîcheur de l’époque moderne, dont le rythme trépidant croise le passé romantique et sa sérénité intemporelle :

à l’ombre d’un chaland
contempler les flots jusqu’à
ne plus rien se dire

Un château de conte de fées dans la brume ou l’odeur du café de Rüdesheim dans les vignobles. Quiconque s’adonne à l’art du haïku ressent le Rhin et découvre le fleuve de façon secrète et romantique. Y compris des surprises comme la Mäuseturm de Bingen, qui surgit des flots d’une manière étrangement enchanteresse :

exilée de l’échiquier
jusqu’au large du fleuve…
une tour blanche

À chaque ligne vous pouvez percevoir l’enthousiasme de Minh pour l’histoire séculaire et le paysage merveilleux. Un voyage insolite sur le Rhin qui n’est pas réservé qu’aux seuls romantiques.

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Préface de Mathias Zahn
Journaliste, Mayence.




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En juillet 1905, trois amis, le médecin et philosophe Paul-Louis Couchoud, le peintre André Faure et le sculpteur Albert Poncin entreprirent un voyage en bateau, qui devait entrer dans l’histoire du haïku. Il ne faut cependant pas imaginer le voyage aussi confortable qu’aujourd’hui sur un bateau à vapeur sur le Rhin comme l’a fait Minh-Triết Phạm plus d’un siècle plus tard : nos amis s’étaient embarqués sur une barge chargée de sucre. Le romantisme pourtant n’a peut-être pas manqué, si l’on considère à quel point le paysage le long de la Seine, de Paris à la Charité-sur-Loire, était à l’époque sauvage. C’est lors de ce voyage que fut écrit le premier haïku en français, et la première fois d’ailleurs, dans une autre langue que le japonais. Paul-Louis Couchoud avait fait la connaissance de cette forme de poésie japonaise lors d’un séjour de plusieurs mois au Japon entre 1903 et 1904, et il en avait immédiatement saisi les caractéristiques essentielles, tels le présent, la brièveté et la suggestion. À cela s’ajoute son enthousiasme, qui s’est évidemment transmis aux amis, puisqu’ils ont écrit ensemble avec lui 72 haïkus, qu’ils ont publiés dans un livret intitulé « Au fil de l’eau » * dans une édition privée de 30 exemplaires.

Les trois amis seraient très étonnés d’apprendre que le plus petit poème du monde s’est maintenant répandu dans le monde entier. Ils apprécieraient aussi certainement le haïku de Minh-Triết Phạm dans ses expressions d’un enchantement similaire à celui qu’ils ont vécu dans ce cadre romantique sur la péniche.

À titre de comparaison, en italique est la plume de Minh-Triết Phạm, en normal, celle commune de Couchoud, Faure et Poncin, ici, est le monde féerique, là, le monde des rêves :

Rhin romantique —
voguer à travers
les contes de fées

Dans un monde de rêve
sur un bateau de passage
rencontre d’un instant

Des châteaux, des tours et des ruines du passé, comment des images de batailles anciennes ne pourraient-elles pas surgir dans l’esprit des hommes ? Ici, sont celles des chevaliers du Moyen-Âge, là, celles des gladiateurs de l’époque romaine :

vieille forteresse —
à l’assaut de la muraille
des plantes sauvages

Les ombres des gladiateurs
viennent sans doute lutter la nuit
forêt penchée sur les ruines.

Le séjour insolite sur l’eau aiguise les sens de nos poètes et, parfois même, les induit en erreur :

bourrasque —
le gémissement
des vieilles pierres

Un cyclone cette nuit !
Non, c’est dans l’écluse
Le torrent nous soulève.

Cependant, les tons calmes et envoûtants prédominent ici et là, lorsque le paysage devient encore plus mystérieux à la tombée de la nuit.

vent du soir —
devant le bleu des vaguelettes
et l’ébène de ses cheveux

Au-dessus du fleuve nocturne
La ville se silhouette.
Symphonie en bleu.

entre ciel et eaux
la silhouette d’un château
et celle d’une romance

Vous qui passez dans l’ombre
Le long des peupliers.
Êtes-vous des amants ?

brise du soir —
juste une envie de valser
avec les feuilles d’été

Polka dans la nuit
Dans la zone de lumière jaune
Silhouettes claires silhouettes sombres.

La fugacité du moment se ressent doublement sur un navire : en pleine observation encore, nous nous éloignons déjà de ce que nous observons. Couchoud, Faure et Poncin auraient probablement aimé arrêter le temps et la barge lorsqu’ils virent la jolie fille :

Dans la ville haute
Une belle matineuse
Se coiffait à sa fenêtre.

Inévitablement, la belle Loreley nous vient à l’esprit, qui peigne ses « cheveux d’or » en chantant, au sommet de la montagne, inaccessible à tout capitaine et danger mortel à la fois !

Minh-Triết Phạm ne peut et ne veut pas échapper à l’attraction de cette légende romantique :

chant de Lorelei —
d’une rive à l’autre
mes pensées chavirent

Le lecteur apprécie également d’être entraîné dans ce romantique tourbillon. En outre, contrairement à Couchoud et à ses amis, Minh-Triết Phạm a accès à la photographie couleur pour illustrer magnifiquement ses poèmes. Ainsi, l’enchantement vécu par le poète nous touche dès les premières pages ouvertes.

(*) Les haïkus cités sont tirés de l’édition illustrée et commentée de «Au fil de l’eau avec Paul-Louis Couchoud» 2013 de Dominique Chipot et traduits en allemand par Éléonore Nickolay.

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Postface d'Éléonore Nickolay
AFH - Association Francophone de Haïku




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Par ces temps de canicule, on n’a pas hésité à suivre Minh-Triết Phạm dans son voyage sur le Rhin romantique. Une croisière en haïku et en photos (de l’auteur), où se mêlent avec bonheur et parfois humour (la fameuse « Minh’s touch » 😉) le présent et un passé riche en contes et légendes.

Quelques exemples parmi mes textes préférés :

chutes du Rhin —
se la couler douce
jusqu’à la mer

cloître —
faire un tour du puits
et un tour sur soi

vieille forteresse —
à l’assaut de la muraille
des plantes sauvages

tombée du jour —
dans les clapotis des vagues
et dans ma solitude

là-haut le château
en pleine rénovation — et moi
en pleine élévation

chant de Lorelei —
d’une rive à l’autre
mes pensées chavirent

bourrasque —
le gémissement
des vieilles pierres

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Michèle Lila Harmand
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