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Les tout premiers mots du renku de Christiane et Minh donnent immédiatement le ton — « Mulhouse Saïgon » — entre ces deux « bornes » va se dérouler la totalité du recueil.
D’un côté l’Alsacienne, fascinée par et amoureuse du Viêt-Nam, de l’autre le Vietnamien, tombé sous les charmes de l’Alsace.
Ils y croisent leurs versets, dans une joute amicale et permanente.
Des photos de l’un et l’autre « pays » ponctuent régulièrement l’ouvrage. Les deux amis nous servent de guides bien informés et bienveillants. Laissons-nous prendre par la main et voyager sur leurs ailes, nous pouvons leur faire confiance. Nous en serons enchantés.
Deux strophes (tercet plus distique), selon la tradition classique du renku, se répondent sur chaque page, ou bien deux photos. Entre elles des rapprochements, de subtils parallélismes.
Exemple :
soupe phở en sachet
un avant-goût du voyage
pendant le long vol
quelques verres de riesling
trous d’air ou bien sensation ?
et même à l’intérieur d’une seule strophe :
d’r Grosser Belchen
d’un clic sur le mobile atteindre
le Phan Xi Păng
Autre exemple :
sur les eaux du Rhin
souffle la brise du large
le Mékong s’agite
et :
à la citadelle de Huế
songer à celle de Brisach
L’histoire s’invite immanquablement à la table de la géographie :
mon verre rempli
des siècles de savoir-faire
vendanges tardives
cueillette du thé la grâce
de son geste ancestral
Mais aussi sur un mode plus tragique :
au-delà du camp du Struthof
s’envolent les colombes
ou bien :
crépuscule sur Trảng Bàng
le souvenir du napalm
Scènes décrites sur le vif, évocations de paysages, pensées qui rapprochent l’un et l’autre pays, nombreux versets concernant les arts de la table, etc. C’est une panoplie riche et variée que nous donnent à apprécier Christiane et Minh dans ce recueil des plus savoureux.
Une autre caractéristique, qui lui donne un caractère d’originalité, c’est le fait que ne soit pas mentionné qui des deux a écrit tel ou tel verset, ni qui a pris telle ou telle photo. Ce qui donne un sentiment profond de cohésion, d’unité réussie, à leur travail commun.
Merci, les amis, de nous faire prendre autant de plaisir à voyager en votre compagnie, entre vos deux contrées poétiques !
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Préface de Daniel Py
Co-fondateur de l’AFH - Association Française de Haïku et du kukaï de Paris.
Musicien classique et professeur de hautbois.
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Interview " Christiane Haen-Ranieri et le Haïku en alsacien " sur France Bleu Alsace 📻
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Pierre Nuss
Émission " Le coup de projecteur de France Bleu Elsass ", 19 Juin 2017
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Voilà un recueil étonnant, très particulier, tant sur le fond que sur la forme. Allier l'Alsace et le Viêt-Nam était osé. Ils l'ont réussi. Le recueil est composé de pièces courtes. Un haïku suivi d'un doublet. La structure du tanka mais sans son organisation. Les deux parties, chacune d'un auteur, se répondent comme un dialogue. Chaque pièce est autonome avec une unité de discours profond et parfois une discordance superficielle. De plus, chaque partie appartient souvent à une monde différent. L'effet de confrontation est saisissant.
La technique est parfois utilisée pour les illustrations, qui se répondent, chacune dans son monde.
C'est, pour moi, un recueil qui vaut la peine d'être découvert pour la beauté des images évoquées et la force de cette écriture à deux mains.
J'ai particulièrement bien aimé :
déclin du soleil
les ruines du Fleckenstein
embrasent le ciel
crépuscule sur Trang Bàng
le souvenir du napalm
repas de Toussaint
dans un plat en terre cuite
un lapin étendu
dans la salade de méduse
des quartiers d’œufs de 100 ans
jardin de grand-mère
dans l'effluve du durian*
premières nausées
munster la zen attitude
la bouche en fermentation
(*) durian : fruit exotique connu pour sa forte odeur
freinage d'urgence
sur le tableau de bord
sursaute la Vierge
fête de la mi-automne
lune et licorne en transe
marché flottant
dans l'odeur du gasoil
goûter le fruit du dragon
palette de pains d'épices
au marché du terroir
marché de Noël
blottis autour de l'église
les chalets en bois
au nouvel an vietnamien
le singe détrône la chèvre
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C’est presque un recueil touristique plutôt que poétique. Les deux auteurs, l’une alsacienne, l’autre d’origine vietnamienne, égrènent des tan-renga évoquant ces deux régions du monde si éloignées.
Mulhouse Saïgon
caler ses rêves d’enfance
entre deux ailes
en route vers le sud-est
une nuée de cigognes
forte turbulence
essayer de déchiffrer
EXIT en vietnamien
[10668m 918 km/h -55°C]
bercé par les réacteurs
Les 5-7-5 et 7-7 sont rythmés par des couples de photographies mettant en page, ici raisins et thé, là delta du Mékong et ruines vosgiennes. Les textes sont de qualité, mais la nécessité de l’ensemble n’est pas évidente. Il manque peut-être un avant-propos et le texte sur le renku n’est pas convaincant. En préface, Daniel Py remercie les auteurs amis pour le plaisir du voyage en contrées poétiques.
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Jean Antonini
Gong, revue francophone de haïku, N°57 Octobre-Décembre 2017